Combo à la Brèche Puiseux
Cela faisait un moment que l’idée de faire la brèche Puiseux, grande classique du ski de randonnée en haute montagne, en mixant parapente et ski me trottait dans la tête. J’en avais parlé à Guillaume en début de saison et il avait adhéré au projet. La saison passe et on ne trouve pas de créneau compatible. Puis Fred S. publie sa belle vidéo sur cette course et cela relance notre envie d’y aller. Finalement on trouve un créneau annoncé sans vent en altitude et on se retrouve avec une petite équipe à l’Aiguille du Midi pour une belle journée en haute montagne.
Il est déjà 9h00 quand on descend rapidement l’arête de l’aiguille pour rejoindre la zone de décollage. Mauvaise surprise le vent est bien orienté N/NE comme annoncé mais plus fort, environ 10km/h avec quelques rafales. Personne n’est très motivé par un décollage en face Nord même si objectivement c’est la meilleure solution. Cela suppose de revenir en face Sud par le col du Plan puis de tirer droit vers les Périades, avec le risque de perdre pas mal d’altitude. On préfère attendre un peu pour voir si le vent baisse comme c’est initialement prévu, quelques accalmies semblant se profiler. Philippe décide de faire le fusible à la première baisse de régime.
Jérôme et moi ne sommes pas très chauds. Après un départ un peu « Rock’n roll » avec sa Masala (27m2 quand même) Philippe atteint le glacier des Périades sans encombre ce qui a pour effet de déclencher les préparatifs de Guillaume et Nicolas. Je suis toujours hésitant, Jérôme idem. Il faut dire que tous les deux on est en version « mini-voile » ou presque avec nos 105kg de PTV pour 16m2 et on a pas vraiment envie de se faire brasser inutilement. Mais les créneaux semblent se préciser et le flux passe en NO donc légèrement travers ce qui est plus favorable pour décoller face au Tacul. Je me prépare rapidement et grille la politesse à Guillaume, j’embarque un de ses skis au passage heureusement sans conséquence. Vol balistique rapide (pointe à 61km/h bras hauts) et sans encombre, je me pose 100m sous Philippe. Petit coup de téléphone à Jérôme, merci la technologie, pour lui dire que tout est nickel et il se prépare. Entre temps Nico et Guillaume nous ont rejoint sur le glacier des Périades. Le temps de plier nos voiles et voilà Jérôme en approche. Il se pose une centaine de mètres plus bas mais nous voilà tous à pied d’oeuvre, il est déjà 10h30, on a perdu pas mal de temps et rien ne nous permettra de le rattraper, bien au contraire.
Nous sommes posés à environ 2800m il nous reste donc 600m de d+ jusqu’à la brèche Puiseux dont 300m de couloir environ. À 12h15 nous sommes au pied du couloir, le soleil tape déjà fort, la montée va être fatiguante. L’attaque dans le cône de déjection est éprouvant dans une neige profonde qui n’a pas encore eu le temps de se transformer. Heureusement dès que la pente s’accentue la trace devient excellente, il ne reste qu’à remonter cet escalier jusqu’en haut. Aux ¾ du couloir j’encorde Guillaume en prévision de la sortie en rocher. Un petit pas d’escalade facile nous permet de rejoindre la brèche où Philippe et Thierry ont déjà installé le rappel. Première pour Nico qui n’en avait jamais fait.
Il est 14h30 environ quand tout le monde se retrouve sur le glacier du Mont Mallet, il nous reste 2 heures pour rejoindre le dernier train du Montenvers. En bonne neige jusqu’en bas, avec des skieurs rapides c’est sans problème, mais là on ne sait pas si ça passe à ski jusqu’aux escaliers et Jérôme est bien cuit (hyperthermie), ce qui annonce une descente assez longue. Si on loupe le dernier train cela veut dire une descente à pied jusqu’à Chamonix, le moral en prend un coup. On peut éventuellement décoller et atterrir sur la mer de glace au plus prés des escaliers, ce qui nous ferait gagner pas mal de temps mais voler sans avoir toutes ses capacités n’est pas chose à faire. On reste donc solidaires et on attaque la longue descente vers le Montenvers. Quelques bonnes portions de neige au pied de la majestueuse face nord des Grandes Jorasses nous mènent doucement vers la jonction entre le glacier de Leschaux et la mer de glace. À partir de là une étroite langue de neige nous permet de nous rapprocher des échelles mais il faut déchausser assez rapidement pour rejoindre les escaliers, puis les remonter laborieusement en contemplant les panneaux indiquant le niveau du glacier ; 2021, 2015, 2010….1920. L’accélération de la fonte est vertigineuse.
On rejoint le chemin de descente vers 1900m, il ne nous reste plus que 900m de descente pompes de skis aux pieds, skis sur le dos, avec des sacs conséquents pour rejoindre Chamonix. Un vrai plaisir en perspective. La solution dans ces moments là ? Ne plus penser à rien, débrancher tous les câbles et avancer. Pour ma part je rejoins la voiture à 21h00. L’avantage à cette époque c’est que les jours sont longs, même pas eu besoin de frontale.
Au final, une très belle journée en montagne, plus longue et éprouvante que prévue, eu égard à la difficulté modeste de la course, mais qui laisse plein de belles images et moments partagés avec toute l’équipe.
Photos: Jérôme G., Nicolas dG., Guillaume dG., Thibaut M.